Le reliquaire du monastère Santa Maria de Alcobaça, joyaux du patrimoine mondial de l’UNESCO, ouvre prochainement ses portes au public, après cinq années de fermeture pour restaurations. En exclusivité, le restaurateur André Varela Remigio nous fait découvrir son œuvre.
Edifié dans la chapelle du XII° siècle, l’œuvre de l’abbé frère Constantino Sampaio, propose une incroyable collection de soixante seize statues et bustes en terre cuite polychrome. Cet ensemble saisissant qui repose sur une structure en bois sculpté recouverte d’or fin a pourtant bien failli disparaître a plusieurs reprises depuis sa création ( 1661-1672).
Une première fois, en 1755, le plus violent tremblement de terre qu’est connu le Portugal, réduit en poussière une grande partie de la ville de Lisbonne qui en est l’épicentre. Le reliquaire grâce à sa forme octogonale résiste . La sacristie contigu, elle, s’écroule, se désagrège, disparaît…. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les bustes et statues simplement posés dans leurs logements respectifs et disposés sur cinq niveaux resteront solidement en place, un véritable miracle.
Quelques années plus tard, en 1772, d’impressionnantes inondations noient le pays. Une nouvelle fois, le monastère souffre de dégâts importants, la chapelle et ses Saints ne vacillent pas d’un pouce.
Après avoir réchappé à de telles catastrophes on pense que plus rien ne peut désormais arrivé au trésor de l’abbaye cistercienne. Mais ironie du sort et de la modernité, il y a une vingtaine d’année, un puissant hélicoptère, pour les besoins d’un tournage de film sur Alcobaça fait un vol stationnaire au dessus de la chapelle. Les vibrations de l’engin font basculer la vierge pesant pourtant près d’une tonne . Dans sa chute, elle y laisse la totalité de son visage, impossible à reconstituer.
Mais la véritable menace , sera d’une toute autre nature, elle viendra de l’intérieur même de la chapelle. En 2001, un début d’invasion de termites est détecté dans la structure du sanctuaire qui supporte les tonnes de sculptures , vent de panique sur le monastère, la directrice de l’époque prend alors des mesures draconiennes. Elle décide de fermer la chapelle et la sacristie elle aussi attaquée, et de descendre toutes les pièces pour traiter massivement l’ensemble des boiseries.
Dans la précipitation et la manutention, nombre de bustes et statues seront brisés, fendus, endommagés. Les premiers travaux d’urgence sauvent la structure mais les crédits se font rares. Par la force des choses, un voile est jeté sur cette aile du monastère vieux de neuf siècles.
L’enfant du pays appelé à la rescousse.
Le monastère a été fondé au XII° siècle ( 1153) par le roi Alphonse Ier, quelques années seulement après l’apparition des cisterciens au Portugal (1143). Il surprend par l’ampleur de ses dimensions ( façade de 221 mètres de long), la clarté du parti architecturale,la beauté du matériau et le soin apporté à l’exécution, c’est un véritable chef d’œuvre de l’art gothique cistercien.
L’ordre de Cîteaux dont l’influence auprès du pape est considérable obtient les faveurs des différents rois successifs, pour le financement des agrandissements du lieux. Alphonse Ier concédera également un nombre considérable de terre qui rendra fort riche St Bernard et ses disciples. Le monarque D.Dinis injectera quant à lui les trois mille livres du testament de son père Alphonse III dans la construction du cloître.
C’est à partir du XV° siècle que le site prospère grâce aux fines connaissances des moines en gestion et secrets agricoles qui leur permettent de s’élever au rang de véritables seigneurs.
L’apogée et le faste est atteint au XVIII° avec les constructions des énormes dépendances, du cloître de Rachadouro, des jardins finement dessinés. On érige même un obélisque . Le monastère atteint sa configuration actuelle et s’étend sur douze hectares dont la moitié construits.
L’an 1834 voit l’extinction des ordres religieux…
Depuis plus d’un an l’énergie de Mr Rui Rasquilho transporte la destinée du lieu vers un avenir riche en bouleversements. A la demande du ministre de la culture Mme Isabel Pires de Lima, l’enfant d’Alcobaça, revenu de ses campagnes Brésiliennes, Marocaine, … au service de la diplomatie portugaise, a pris en main la direction du monastère, alors qu’il s’apprêtait à goûter à une retraite bien méritée . Il accepta cette charge à la seule condition de se conformer aux règles du recrutement par concours, refusant tout passe droit . Reçu brillamment, fort d’une liberté que seuls s’accordent les gens qui n’ont plus rien à prouver, cet érudit, poète et orateur hors pair, mène de front autant de projets qu’il a d’idées.
Son charisme, et sa force de persuasion attire les mécènes nécessaires aux financements des chantiers qu’il vient de lancer, tels qu’une nouvelle boutique, une cafétéria dans un patio, une consultation pour installer une hôtellerie de grand luxe dans la cloître nord, l’aménagement d’une galerie contemporaine dans l’aile droite du monastère, et bien sûr les restaurations.
Pour les travaux de la chapelle, il trouve des investisseurs privés à hauteur de la moitié du budget. Fidèle à sa démarche, il délègue à son adjointe, Cécilia Gil, le choix du meilleur restaurateur possible. La conservatrice opte pour un jeune et brillant postulant le flamboyant directeur la suit, ce sera André Varela Rémigio.