ERIC CARRIÈRE
MENEUR TOUT TERRAIN
Joueur de foot intelligent et clairvoyant, Eric Carrière est dans la vie comme sur le terrain. Pas du genre à se laisser surprendre, il a préparé sa reconversion sur plusieurs fronts, et la mène comme autant d’aventures vécues passionnément, entre Médias, Management, vins et restaurants.
La question de la reconversion des sportifs de haut niveau,
Eric Carrière la connaît bien, lui qui a terminé sa carrière
de footballeur professionnel il y a tout juste quatre ans et
semble déjà pourtant pleinement investi dans sa nouvelle
vie. Son parcours exemplaire ne lui fait pourtant pas oublier que cette
période de transition est délicate et que de nombreux sportifs de haut
niveau négocient mal leur dernier tour de piste pour sortir du stade :
« Aux Etats-Unis, 50 % des sportifs professionnels sont en faillite
seulement deux ans après la cessation de leur activité », assène-t-il tout
de go, conscient des limites du système et du danger qui guette tout
ex-champion, quand le manque d’argent s’ajoute au manque de
sensations fortes. « En tant que footballeur, on n’est pas à plaindre,
mais de nombreux autres sportifs de haut niveau n’ont même pas de
statut officiel leur ouvrant droit à une protection sociale, comme c’est
le cas pour certaines championnes de natation synchronisée par
exemple », poursuit l’ex-n° 10 en connaissance de cause, puisqu’il fait
partie de la commission chargée par le secrétaire d’Etat aux Sports de
réfléchir à la condition des sportifs de haut niveau, leur reconversion,
leur formation professionnelle, leur retraite…
Télé, vin eT resTauranTs
Si sa venue à Dijon n’était pas vraiment planifiée, sa reconversion ne
doit rien au hasard. « Au début, j’ai de suite dit non à la proposition de
Bernard Gnecchi [ndlr : l’ex-président du DFCO] de venir à Dijon. Et
puis, il m’a tellement “dragué” que j’ai fini par accepter. » Il signe
alors pour deux ans, sans penser une seconde qu’il allait poser ses
valises à Daix. « Finalement, comme ma femme, mes quatre filles et
moi on se plaisait bien ici, et que Dijon était le lieu idéal pour monter
un projet dans le vin sans être trop loin de Paris, j’ai pris la décision
de rester. » En parallèle de ces dernières années sur le terrain, il passe
ses diplômes d’entraîneur afin d’anticiper sa retraite de joueur et être
de suite opérationnel. « Mais plus ma fin carrière approchait, plus
j’avais besoin de sortir de cette bulle du foot, de retrouver un certain
équilibre familial aussi. » Titulaire de son Brevet d’Etat d’éducateur
sportif 2e degré dès 2011, Eric Carrière ne se voit pas pour autant
entraîneur en club, « une vie qui laisse trop peu de place au reste ».
Alors que son copain Dominique Armand – journaliste à Canal +
qui, dans ses jeunes années, a joué avec lui à Muret (31) en National
– avait depuis longtemps décelé son profil de consultant, Eric
prend naturellement contact avec la chaîne cryptée quand il raccroche
ses crampons. Après des débuts en piges sur Foot +, les deux
parties comprennent vite les bienfaits respectifs de leur collaboration
: l’ex-footballeur découvre un vrai métier et un bon moyen de
rester en contact avec la planète foot, Canal + un collaborateur de
talent qui conjugue aisance, compétence technique et bonne image
auprès du public. En quelques années, l’ancien milieu de terrain
s’impose sur les gros matchs du dimanche soir et devient une figure
centrale de l’équipe foot de Canal +. Désormais plus à l’aise dans la
passe de l’information, le voilà même qui se lance dans l’écriture
d’une chronique mensuelle pour L’Equipe Magazine.
Alors que beaucoup se seraient contentés de cette reconversion
médiatique, Eric Carrière ressent cependant la nécessité de s’ouvrir à
autre chose, de découvrir d’autres mondes, de se réaliser ailleurs que
sur un terrain. « Un grand écart difficile pour certains joueurs en fin
de carrière, estime-t-il en observateur privilégié. D’autant plus
difficile pour les footballeurs qui ont débuté leur parcours pro très
jeunes et ont été mis dans une bulle pour n’en sortir qu’une fois leur
carrière sportive achevée. » Ces nouveaux horizons, il va les
découvrir à travers le prisme du vin, grâce à la rencontre en 2003 du
vigneron de la vallée du Rhône Stéphane Ogier. Une belle porte
d’entrée dans l’univers complexe du vin, qui débouchera sur une
vraie amitié et l’acquisition en commun de parcelles en Côte Rôtie et
en Condrieu. Sa venue à Dijon le rapprochera encore du monde
viticole, bourguignon notamment, et lui permettra de peaufiner son
projet de société de négoce en vin. Aujourd’hui, les Caves Carrière
sont devenues une réalité économique, avec quatre établissements
(Dijon, Lyon, Ariège et Limousin) et une même philosophie :
privilégier la qualité à la quantité en ne distribuant que des vins de
grands vignerons et de domaines réputés.
Autre rencontre essentielle, celle des chefs étoilés Nicolas Isnard et
David Le Comte (Auberge de La Charme à Prenois) qui l’ont initié
au monde de la grande restauration, et avec lesquels il a investi dans
deux restaurants à Dijon, le Bistrot des Halles et le Dav’n’Co. Eric
Carrière est prêt à prendre des risques, mais toujours calculés et en
s’entourant des meilleurs. Son mot d’ordre ? « Anticiper !
L’anticipation permet de choisir, donne la garantie d’une certaine
liberté. Ancien champion ou pas, tout le monde cherche un emploi
aujourd’hui, et cette compétition pour le travail vaut largement celle
du sport de haut niveau. »
Bio express
• 1973 : naissance à Foix (Ariège)
• 1991 : débuts en Promotion d’honneur
avec le club de foot d’Auch
• 1996 : intègre l’équipe pro du FC Nantes
• 2001 : élu meilleur joueur de D1,
première sélection en Equipe de France
• 2001-2004 : joue à l’Olympique lyonnais (L1)
• 2004-2008 : joue au RC Lens (L1)
• 2008-2010 : fin de sa carrière pro au DFCO
• 2010 : devient consultant sur Canal +
• 2011 : ouverture à Fontaine-lès-Dijon de
Caves Carrière, sa société de négoce de vins
• 2012 : investit dans le Bistrot et la Taverne
des Halles (actuel Dav’n’Co depuis) à Dijon
• 2013 : prolonge de 3 ans son contrat avec Canal +,
obtient son diplôme de manager général de club sportif
© Geoffroy Morhain